Auteurs : Paul Melly (lead) (Chatham House), Dr. Patricia Kouyaté (CIRES), Hafiziou Barry (IPED)
RÉSUMÉ
L’importance de l’enseignement supérieur pour l’avenir économique et social des pays de l’Afrique de l’Ouest est largement reconnue à travers la région – et les gouvernements des pays membres de la CEDEAO ont beaucoup investi dans ce secteur clé. Mais la région reste confrontée à un deuxième défi – comment élargir l’accès aux études supérieures à une plus large gamme de leurs citoyens, et surtout aux jeunes des milieux plus ruraux ou plus défavorisé.
Ce papier analyse les stratégies poursuivies par quatre pays – le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée et le Togo – pour surmonter ce défi et examine aussi les actions de divers partenaires internationaux en soutien au secteur de l’enseignement supérieur ouest africain.
Il en sort de cette étude comparative une évidence : la région témoigne d’une diversité de stratégies et approches en ce qui concernent l’accès aux études supérieures. D’ailleurs les partenaires externes poursuivent aussi des approches également très diverses. En contraste avec la politique monétaire et fiscale, ou l’influence du FMI et sa philosophie, pèse sur les choix des gouvernements africains, en ce qui concerne l’enseignement supérieur un tel consensus est absent.
En conclusion, cette analyse suggère quelques pistes d’action pour élargir l’accès à l’enseignement supérieur et donc aux opportunités d’épanouissement social et économique qui s’ensuivent.
Mots clés : enseignement supérieur, financement, Afrique de l’Ouest.
INTRODUCTION
Selon la Banque Mondiale, l’enseignement supérieur en Afrique a un rôle essentiel à jouer en tant que moteur de la croissance technologique et économique. Il doit être en mesure de « inculquer des compétences professionnelles qui sont cohérents avec la demande de l’économie ; promouvoir des compétences en complément du développement de l’avantage compétitif, et être le creuset de l’apprentissage, de l’innovation, de la production et de l’adaptation des technologies »2.
Les études montrent que plus on est instruit, plus le revenu augmente sur le continent, avec une hausse significative à partir du second cycle secondaire. Ceux qui en ont bénéficié peuvent gagner entre 100 et 150% de plus que les personnes illettrées.
De plus le potentiel pour la mobilité sociale est particulièrement important pour l’Afrique subsaharienne, puisque ce sont les 40% les plus pauvres de ses populations qui bénéficient des rendements aux études supérieures les plus élevés. Les parcours de réussite observés par les peuples africains fraichement indépendants ont donné de l’espoir et poussé les familles à orienter les jeunes les plus capables vers le cursus supérieur.
Du côté de l’offre comme du côté de la demande d’éducation supérieure, la hausse a été manifeste. L’offre a été encouragée par des politiques d’affectation systématique dans les filières tertiaires pour ceux qui parvenaient à passer le dernier niveau du secondaire. L’enseignement supérieur autrefois négligeable dans la scolarisation des populations d’Afrique subsaharienne a depuis gagné en importance. Avec moins de 400 000 étudiants en 1970, la région est passée à environ 7,2 millions en termes d’effectifs bruts en 2013.
Pourtant, elle n’a pas pu suivre la croissance de la demande, par ailleurs stimulée par la forte poussée démographique. D’ailleurs, la question du coût de l’accès à cette éducation supérieure se pose, sachant que les systèmes d’enseignement privé se développent de plus en plus dans les pays où l’offre publique est fondamentalement insuffisante.
En conséquence, ce niveau d’éducation reste encore considéré comme élitiste par beaucoup d’africains. Certains considèrent ainsi que les systèmes d’éducation supérieure restent majoritairement réservés à une élite ou, du moins, la classe moyenne urbaine, pour la plupart – ce qui empêche le système d’enseignement supérieur de résorber les inégalités sociales déjà immenses, de jouer ce rôle de catalyseur pour la mise en place des stratégies de développement qui bénéficient à tous ou d’ouvrir le chemin à l’épanouissement professionnel et à la réussite économique à un plus grand nombre de jeunes de famille modeste ou rurale.
Donc, l’Afrique de l’Ouest peut-elle remédier à ces défaillances pour élargir l’accès à l’enseignement supérieur, en aidant les jeunes de familles moins favorisées, souvent habitant de milieux urbains pauvres où de zones rurales reculées, à surmonter les obstacles sociales, économiques ou financières qui, si très souvent, leur encombrent le chemin vers l’université où les hautes écoles d’ingénieurs, de commerce, etc. ?
Dans ce papier nous examinons les cas de quatre pays de la région ouest-africaine – le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée et le Togo – pour en tirer quelques conclusions et proposer des recommandations – des pistes d’action ou des outils d’intervention par lesquels les gouvernements africains et leurs partenaires pourrait élargir l’accès à l’enseignement supérieur.
Par ailleurs, la question de l’insuffisance du financement de l’enseignement supérieur et la problématique de son accès aux populations issues des milieux modestes ont été citées parmi les principaux défis.
C’est donc dans l’optique de contribuer à relever ces défis que le présent Policy Paper est rédigé par le réseau STT. Il fait d’abord un état des lieux du financement de l’enseignement supérieur dans les quatre pays, et analyse ensuite quelques inégalités géographiques et socioéconomiques dans son accès tout en mettant en lumière les actions et stratégies prévues pour les éliminer.
Ce papier comprend aussi une analyse des activités de plusieurs partenaires bilatéraux en soutien au secteur de l’enseignement supérieur.
Le papier se base sur des données qui datent de la période d’avant les changements de régimes politiques vécus par certains pays de l’Afrique de l’Ouest au cours des dernières années. Mais cela ne limite aucunement l’intérêt des analyses et propositions présentées dans ce document – et qui traitent des stratégies du long terme pour l’élargissement de l’accès à l’enseignement supérieur.
Enfin, en conclusion de ce papier, les auteurs proposent un ensemble de recommandations en vue de renforcer les stratégies qui pourraient faciliter un plus grand accès à l’enseignement supérieur pour les jeunes issus de foyers au moyens modestes.
I. Les difficultés de procéder à la sécurisation des frontières ouest-africaines
En quelques années, les frontières de l’Afrique de l’Ouest n’ont jamais été aussi instables devenant des zones de grandes insécurités. L’Union africaine (UA) a adopté en novembre 2017 une Stratégie de gouvernance des frontières3. Le but est l’utilisation des frontières comme des « vecteurs de promotion et d’accélération de l’intégration grâce à une gestion efficace des frontières et à une facilitation de la circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux entre les États ». Les défis sont encore immenses et le projet n’en est qu’à ses débuts. Selon l’organisation continentale, seulement 35% des frontières africaines sont démarquées. Le marquage des frontières n’atténue pas la porosité des frontières et permet le passage d’une frontière à l’autre pour les groupes armés et les trafiquants.
De nombreux pays de la région sont couverts de vastes territoires et leurs frontières se situent soit dans des zones très isolées ou sont densément peuplées. Cette situation géographique et démographique rend les efforts de sécurisation particulièrement difficiles. La mobilité de ces populations qui sont retrouvées dans les différents pays rendent le contrôle des frontières ardu. Lorsque les frontières échappent au contrôle du pouvoir central et que celui-ci ne parvient pas à y assoir son autorité, d’autres acteurs peuvent s’y installer et y créer de nouvelles dynamiques qui fragilisent la sécurité des populations.
Dans les espaces frontaliers, on retrouve une intense activité marchande4. Les populations sont habituées à faire du commerce et passe d’un espace à l’autre sans considération des frontières qui leur paraissent abstraites. On parle même « d’artificialités des frontières ». Les États sont confrontés alors à un double problème celui d’assurer le contrôle des frontières tout en assurant la fluidité des échanges et la circulation des personnes. Les problèmes posés par le manque de délimitation et de démarcation des frontières donnent lieu à des zones confuses ou zones marginales, dans lesquelles l’application de la souveraineté nationale pose des problèmes, et constitue un véritable obstacle à l’approfondissement du processus d’intégration.
Plusieurs facteurs expliquent les difficultés liées à la sécurisation des frontières de manière efficace. Il s’agit entre autres du manque de moyens techniques et humains nécessaires pour le contrôle des frontières. La corruption5 au sein des unités chargées du contrôle des frontières est souvent relevée comme un élément de vulnérabilité. Mais, la fragilité de certains États en situation de crise ou post-crise qui ne sont pas en mesure de préserver leur intégrité territoriale est un problème crucial. Cette situation entraîne une forme d’abandon de territoires frontaliers qui deviennent des espaces marquées par une faible présence de l’État. Les services sociaux de base ne sont pas assurés et les populations de ces zones ont le sentiment d’être « déconnectées » des autres parties du pays.
Dans la configuration actuelle en termes de menaces, les modalités de contrôle liées aux frontières demeurent encore traitées sous le prisme traditionnel. La longueur des frontières constitue un facteur de déstabilisation car certains États ne disposent pas des moyens matériels et humains pour une sécurisation totale.
II. La menace aux frontières amplifiée par l’intensité de l’activité criminelle transnationale et le terrorisme
Selon l’OCDE (année), la Banque mondiale (année) et la Banque africaine de développement (année), les revenus d’origine criminelle des quinze États d’Afrique de l’Ouest représenteraient 3,6 % de leur PIB. L’Afrique de l’Ouest perd chaque année 50 milliards de dollars pour des faits de commerce illicite. Le golfe de Guinée quant à elle avec ses 5 700 km de côtes est devenu le nouvel épicentre de la piraterie maritime en Afrique. Ces dernières années, le golfe de Guinée est devenu une des zones de navigation qui a connu le plus grand nombre d’actes de piraterie dans le monde. 151 attaques ont été recensées en 2016. De plus, sur 16 incidents sur des bateaux dans le monde qui ont essuyé des coups de feu, 7 se sont déroulés dans le golfe de Guinée en 2017. La sécurisation des frontières concerne aussi les zones maritimes de plus en plus exposées à des menaces. La carte 2 est une illustration de la présence des groupes terroristes dans les pays.
Carte 2 : Évènements violents liés aux groupes islamiques militants au Sahel en 2018 (source : Africa Center for Strategic Studies)6
Jama’at Nusrat al Islam wal Muslimeen (JNIM) ◦ Ansar Dine ◦ Front de libération du Macina (FLM) ◦ Katiba Serma ◦ AQIM Sahara | Al Mourabitoun • Ansaroul Islam • État islamique dans le Grand Sahara (EIGS) • Katiba Salaheddine • Non affiliés |
Tableau 1 : carte des groupes islamiques dans le Sahel
Une analyse chronologique met en évidence l’accélération rapide des épisodes de violence liés aux groupes islamistes militants au Sahel en 2018. Avant 2012, un seul groupe islamiste militant, AQMI, opérait au Mali. En 2018, plus de 10 groupes étaient actifs au Mali, au Burkina Faso et au Niger. Les épisodes de violence en 2018 ont dépassé toutes les activités observées entre 2009 et 2015.
Cette insécurité grandissante dans les pays de l’Afrique de l’Ouest pourrait s’expliquer par la position géographique stratégique de l’Afrique de l’Ouest à mi-chemin entre les lieux de production de la drogue (Amérique du Sud) et les marchés de consommation (Europe) qui a favorisé l’expansion rapide du trafic de drogue. En décembre 2013, les Nations Unies7 avaient estimé la valeur annuelle de la cocaïne transitant par l’Afrique de l’Ouest à 1,25 milliard de dollars. Un montant largement supérieur au budget annuel de plusieurs États de la région. En mai 2016, l’unité antidrogue malienne avait fait une importante saisie de 2,7 tonnes de cannabis près de Bamako. La drogue, saisie dans un camion, venait du Ghana, après avoir transité par le Burkina Faso. Cet itinéraire montre la régionalisation du trafic et la capacité des trafiquant à passer les frontières.
Les attaques terroristes ont pris des proportions inquiétantes dans la région. On ne compte plus le nombres de groupes terroristes ou affiliés présent en Afrique de l’Ouest et au Sahel. Le 20 novembre 2015, à Bamako, le groupe terroriste El-Mourabitoune attaquait et opérait une prise d’otages à l’hôtel Radisson. Le 15 janvier 2016, à Ouagadougou, il frappait en collaboration avec AQMI, l’hôtel Splendid et le restaurant Capuccino. Le 13 mars 2016, la station balnéaire de Grand Bassam en Côte d’Ivoire est attaquée à son tour. Ces attaques ont été perpétrées à l’intérieur de ces trois pays et se poursuivent plus intensément au Burkina Faso, au Mali et au Niger. Mais, la porosité des frontières reste le facteur déterminant étant donné que ces terroristes sont passés d’un pays à un autre sans éveiller des soupçons. Ces épisodes malheureux témoignent assurément de la mobilité des groupes terroristes qui démontrent leur ingéniosité à traverser les frontières.
Le Liptako Gourma, la région des trois frontières (Burkina Faso, Niger et Mali) est une des zones la plus vulnérable de l’Afrique de l’Ouest où pullulent les groupes terroristes. Ces derniers utilisent les frontières à leur avantage pour se fondre dans une population qui est majoritairement pastorale. C’est une zone caractérisée par son humidité, elle est sablonneuse et difficile d’accès. Elle constitue un « sanctuaire » pour les groupes armés. Ces trois pays du Liptako Gourma se sont unis à la Mauritanie et au Tchad pour créer le G5.
III. Les stratégies des États en matière de sécurisation des frontières face aux différentes menaces
Pour faire face aux menaces aux frontières, les pays de l’Afrique de l’Ouest ont adopté tour à tour des stratégies. Elles comprennent une série de mesures impliquant l’armée, la gendarmerie, les gardes-frontières, les services de renseignement, la police, t la douane, l’administration territoriale, les ministères opérationnels du développement rural (agriculture, élevage, eau, foresterie, éducation, etc.).
Les pays ouest africains collaborent avec des partenaires techniques et financiers pour traiter la problématique de la sécurisation des frontières. Le Burkina Faso à travers le ministère en charge des questions de frontières assure, à travers la Commission nationale des frontières (CNF), la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation de la politique gouvernementale en matière de gestion des frontières. On peut citer le cas de la GiZ qui finance le ProGEF (Programme de la Gestion intégrée des Espaces Frontaliers) au Burkina Faso, dans les régions frontalières et victimes d’insécurité : Sahel, Nord et la Boucle du Mouhoun. Ce même partenaire technique et financier apporte sa contribution sur les questions de sécurité au Mali et de migration au Niger. D’autres partenaires du système des Nations Unies comme l’OIM, le PNUD apportent leurs contributions. Ces dernières années, les efforts se sont accrus dans ces pays sur la résolution de l’épineuse problématique de la sécurisation des frontières au regard de la flambée du terrorisme. En 2013, le Burkina Faso a créé le Secrétariat Permanent de la Commission Nationale des Frontières (SP CNF), qui est chargé de coordonner toutes les activités liées aux frontières avec les partenaires nationaux et internationaux. En tout état de cause, des efforts restent à faire au niveau des pays. La dissimulation volontaire de l’information reste une difficulté constante à cause de la sensibilité du problème.
Dans le cadre de sa Stratégie de sécurité nationale amorcée en 2012, la Côte d’Ivoire accorde une haute importance à la sécurisation des frontières. La Stratégie de sécurité nationale mise en œuvre stipule que « les forces militaires doivent être flexibles et adaptables afin de faire face à tous les spectres de menaces, parmi celles-ci et prioritairement les crimes organisés, la prolifération des armes légères, les incursions terroristes et l’instabilité régionale ». L’armée est la première en ligne dans la protection des frontières nationales face au risque terroriste. En Côte d’Ivoire, des bataillons de sécurisation de la police interviennent au niveau des zones frontalières.
Le Sénégal a également mis en place deux nouvelles unités pour la sécurisation des frontières. Il s’agit du Groupe d’action rapide chargé de contrôler les frontières et de la Division nationale de lutte contre le trafic des migrants. L’armée sénégalaise s’est dotée d’armes, de lunettes de vision nocturne et de drones pour un meilleur contrôle de ses frontières. Pour lutter contre le terrorisme, la Cellule interministérielle de coordination des opérations contre les actes terroristes (CICO) a été créée en février 2016. Cette structure est placée sous l’autorité du ministère de l’Intérieur. Il s’agit d’un « dispositif de coordination et de veille stratégique dans la lutte contre le terrorisme ». La CICO intervient dans le domaine du renseignement et est axée sur la surveillance des frontières. »
Le Niger dispose d’unités d’intervention opérationnelles comme la Compagnie mobile de contrôle des frontières pour lutter contre Boko Haram dans la région de Diffa. En Mauritanie, nous retrouvons les groupements spéciaux d’intervention qui sont présentes à la frontière malienne et disposent des moyens armés nécessaires pour faire face aux groupes djihadistes.
IV. Mieux s’adapter aux nouvelles menaces pour une sécurisation plus Efficace des zones frontalières
La formation des forces de défense et de sécurité pour juguler les nouvelles formes de menace au niveau des frontières est essentielle. En collaboration avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), les autorités sénégalaises ont organisé une simulation d’attaque terroriste à Kidira, à la frontière malienne, le 13 décembre 2017. Cet exercice de simulation de crise avait pour objectif de mieux préparer les réactions des forces d’intervention en cas d’attaque près de la frontière sénégalo-malienne, une bande sinueuse qui court sur 489 km le long du fleuve Sénégal. Il s’inscrivait dans le cadre du projet « Engagement des communautés frontalières dans la sécurité et la gestion des frontières au Sénégal ». Cette simulation a per-mis d’identifier des points de vulnérabilité du dispositif de secours et d’intervention.
Ces types d’activités sont conduits dans les pays du G5 en collaboration avec les forces Barkhane.
De manière générale, il est urgent d’agir sur des ressorts tels que le renforcement des moyens techniques notamment la réfection des postes de contrôles délabrés, la construction de nouveaux poste de contrôle. Le renforcement des équipements dans le domaine du transport pour les effectifs qui patrouillent tout le long des frontières est crucial en terme de signal et de présence pour rassurer les populations et intervenir plus rapidement en cas de menace. L’amélioration des compétences du personnel en charge du contrôle des voyageurs aux frontières est essentiel notamment l’expertise en matière de détection des documents de voyage frauduleux ou obtenus illégalement.
Des initiatives allant dans le sens de la mutualisation des forces de défense entre États sont des approches à multiplier dans la région. A titre d’exemple, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, les forces armées mauritaniennes et sénégalaises ont décidé de travailler en synergie pour prévenir les risques. Elles ont organisé une patrouille mixte sur la rive du fleuve Sénégal.
Cette patrouille mixte vise plusieurs objectifs dont le premier consiste à travailler pour assurer la sécurité des populations installées le long de la frontière séparant les deux pays. Une vigilance permanente et un déploiement rigoureux des forces de défense et de sécurité aux frontières peut avoir des effets positifs dans la lutte contre les menaces.
Un dispositif de patrouille mixte conjointe entre forces armées de différents pays frontaliers est opérationnel depuis 2018. Les experts ouest africains de la sécurisation des frontières sont plus favorables que les frontières soient des lieux de coopération transfrontaliers avec un regard particulier sur l’intégration sociale et socioéconomique. Progressivement, les balises physiques pourront se construire pour les raisons administratives et géo politiques.
La communication et le renseignement entre les États sont également deux dimensions stratégiques pour une meilleure sécurisation des frontières. Le partage des informations du terrain en temps réel permet de réduire les menaces. Il faut favoriser le renseignement local et développer un dispositif de protection des informateurs. Un système de renseignement fluide permet de mieux gérer la présence continue des forces de défense tout le long des frontières. L’utilisation de la technologie notamment les drones ou l’installation d’équipements de surveillance électronique peuvent constituer des outils décisifs dans la lutte contre toutes les formes de criminalité souvent retrouvées au niveau des frontières.
En dépit des importants moyens engagés par les États, la mission de sécurisation des frontières reste un résultat difficile à atteindre en Afrique de l’Ouest. Les États doivent composer avec un ensemble de facteurs qui va de la densité des frontières terrestres très difficile voire impossible à couvrir de manière globale, la mobilité des groupes terroristes, la bonne organisation des groupes criminels transnationaux et surtout la faiblesse de certains États au niveau de leur force de défense et de sécurité. Ces nouveaux acteurs qui menacent la sécurité des pays de la région savent exploiter les failles concernant la surveillance. La volonté de les combattre se justifie d’autant plus que l’intensité des relations entre les populations frontalières ouest-africaines, l’impact des crises sur les espaces frontaliers et l’impérieuse nécessité d’une intégration régionale commandent une action plus concertée des États.
Conclusion
La sécurisation des frontières, des personnes et des biens dans un contexte d’intégration régionale n’est pas impossible pour les Etats africains victimes des exactions de toutes formes et dans une période récente, de la généralisation des actes de terrorisme. Des mesures sont prises dans le cadre de l’organisation institutionnelle, des renforcements des capacités, de la coopération sous régionale, et dans bien d’autres domaines, pour enrayer les atrocités vécues dans les espaces frontaliers qui se propagent vers l’épicentre des pays concernés. Les Etats, ne perdraient pas, s’ils s’engageaient davantage dans des programmes financés axés sur les questions de sécurisation des frontières.
Références bibliographiques
Centre d’études stratégiques de l’Afrique, La menace complexe et croissante des groupes islamistes militants au Sahel, 21 février 2019, https://africacenter.org/fr/spotlight/la-menace-complexe-et-croissante-des-groupes-islamistes-militants-au-sahel/.
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Partners West Africa, Promotion d’une approche inclusive de la sécurité en Afrique de l’Ouest : recueil d’interviews, Cheick Cissé et Patricia Kouyaté pour la Côte d’Ivoire, 2016.
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SP/CNF, Programme national de la gestion des frontières, 2015.
Touchard, Laurent, Des murs et des hommes : sécuriser les frontières africaines au XXIe siècle, Focus stratégique, n° 85, Ifri, novembre 2018.
Tsigbé, Koffi Nutefé et Kpaye, Koffi Bakayota, La question de la libre circulation des biens dans l’espace CEDEAO (1975 – 2015), 2017.
Union Africaine, Stratégie de l’union africaine pour la gouvernance des frontières, Novembre 2017.
Nations Unies, Lutte contre le trafic de drogues en Afrique de l’Ouest : le Conseil appelle à une action coordonnée pour renforcer l’application des initiatives régionales, CS11224, 18 décembre 2013, https://www.un.org/press/fr/2013/CS11224.doc.htm.
Sur l’éditeur :
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