Côte d'Ivoire, Konrad Adenauer Stiftung

Rôle des commissions électorales et des cours ou conseils constitutionnels : Complémentarité, antagonisme ou juxtaposition ?

La dévolution du pouvoir d’État en Afrique est devenue une véritable source de préoccupation depuis les transformations systémiques...

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RÉSUMÉ 

Les commissions électorales sont la cheville ouvrière du processus électoral et un des maillons essentiels de la chaine de valeurs démocratique. Sur elles repose la crédibilité du scrutin, avant, pendant et après le jour de vote. Si la démocratie dans le principe ne se limite pas à l’organisation et la réussite des élections, il est à noter qu’en Afrique, elle semble avoir revêtu les attributs d’élections régulières, plus ou moins apaisées, avec force difficultés selon les pays, la limitation des mandats. Un état de choses dû principalement à l’insuffisance d’indépendance des commissions électorales vis-à-vis de l’exécutif. Il importe par conséquent d’œuvrer véritablement sur la question de l’indépendance de cette institution et même des autres organes et institutions impliqués dans le processus électoral et plus largement dans le fonctionnement démocratique. 

Mots clés: élection, commission électorale, constitution 

INTRODUCTION

La dévolution du pouvoir d’État en Afrique est devenue une véritable source de préoccupation depuis les transformations systémiques qui ont été engendrées par l’accession à l’indépendance et la subséquente ouverture à des valeurs et principes constitutionnels comme ceux de la démocratie, aujourd’hui considérés comme universels. Dans la partie africaine sous pax gallica, l’ouverture politique, initiée par le discours de la Baule, a bouleversé la longue paix instaurée par les présidents monarques dont la longévité au pouvoir a souvent dispensé du périlleux recours aux élections. Or, ce mécanisme perçu comme un mal nécessaire vient garantir un droit aussi vieux que Périclès qui est celui qu’a tout citoyen de pouvoir participer à la gestion des affaires publiques, sans aucune discrimination. Principe réaffirmé par la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples. 

Cependant, la perception africaine du pouvoir, lieu de la puissance absolue, va aiguiser les appétits au détriment de la stabilité des systèmes politiques, en raison de la présence de deux forces adversaires devenues ennemies par la force des choses ou par la force des hommes. Celle de la Majorité présidentielle, qui a légalement la charge de mettre tout en œuvre pour la tenue effective du scrutin et qui désire en outre se maintenir au pouvoir per fas et nefas, et celle de l’Opposition qui veut absolument accéder au pouvoir. Eu égard à cela, la difficulté première a été de désigner l’organe en charge des élections souhaitées inclusives. Le premier réflexe dans la plupart des systèmes politiques a été de confier cette charge au gouvernement, plus spécifiquement au Ministère de l’Intérieur. Mais, il est clair que cela soulèverait des problèmes quant à son impartialité, dans la mesure où il ne pouvait s’affranchir des ambitions électorales du gouvernement dont il est membre. Au vu de cela, il a été décidé de recourir à des commissions électorales indépendantes susceptibles de se défaire des considérations politiciennes. En plus de la garantie du contrôle juridictionnel d’une Cour ou conseil constitutionnel, comme dernier recours en cas de contentieux, les risques d’affrontements se verraient alors minimisés. Toutefois, l’existence de ces institutions que l’on a voulu garantes de la sincérité des élections n’est pas une sinécure, au regard notamment de la forte empreinte politique qui caractérise leur fonctionnement ; ce qui n’est pas sans incidence sur la nature de leur rapport dont la détermination est essentielle pour la bonne tenue des scrutins. La relation objet de notre analyse, qui peut être appréhendée sous un angle à la fois descriptif et prescriptif, s’inscrit dans le décryptage des forces institutionnelles, qui jouent un rôle déterminant dans la tenue des élections en vue de prévenir les violences électorales. 

Ainsi d’un point de vue descriptif, il s’agira, après une brève présentation de l’organisation et des attributions des commissions électorales, d’identifier le type de relation que les commissions électorales et les cours ou conseils constitutionnels entretiennent en l’état ; alors que d’un point de vue prescriptif, il s’agira de s’interroger sur les rapports que ces deux institutions devraient entretenir en vue de la réussite des élections. Dans cette dynamique, si nous notons d’une part la prévalence actuelle d’un alignement institutionnel, nous préconisons d’autre part, la nécessité d’un véritable équilibre institutionnel entre lesdits organes. 

I. Organisation formelle et attributions des commissions électorales en Afrique

Au début des années 1990, les pays africains connaîtront une énième vague de démocratisation marquée par l’effectivité du multipartisme dans leur système politique. Cette soif de démocratie pluraliste et libérale, visant à donner les pleins pouvoirs au peuple, va conduire à plusieurs reformes et aménagements sur les processus et mécanismes idéaux d’accès au pouvoir. La conséquence immédiate de ces reformes a été, pour la majorité des pays du continent engagée à ce jour dans un processus de démocratisation, d’opter pour la réduction de l’emprise du Pouvoir exécutif (à travers notamment le Ministère de l’Intérieur) sur la gestion des élections en mettant en place des commissions électorales dites « indépendantes ». Ainsi, issues d’une naissance désirée et symboles d’un espoir de processus électoraux fiables et crédibles, ces commissions électorales nationales vont très vite être désanctuarisées, devenant au fil du temps des tours de Babel où confusions et discordes entre les partis politiques conduisent les processus électoraux à des crises socio-politiques.  Pour comprendre les critiques portés sur le caractère « indépendant » de ces organes électoraux et évaluer leur capacité à surmonter les défis liés à leurs responsabilités, nous relèverons leur organisation formelle et identifierons les principales attributions de des commissions électorales en Afrique. 

A. Organisation formelle des commissions électorales en Afrique

Parler de l’organisation formelle des commissions électorales, c’est s’intéresser en premier lieu à leur statut juridique et en second à la principale structuration physique ou opérationnelle de leur fonctionnement, en particulier de la composition du bureau central ou des membres constituant l’organe national de direction. 

Relativement à leur statut juridique, on note que dans la majorité des cas les commissions électorales sont instituées par une loi organique précisant les attributions, la composition et le fonctionnement. Les commissions électorales se présentent ainsi comme une autorité administrative détachée des trois pouvoirs d’Etat et qui se doit indépendante de ceux-ci et de toute autre partie dans l’accomplissement de sa mission. 

La création des commissions électorales diffère d’une zone à l’autre, selon que l’on soit dans un pays francophone, lusophone ou anglophone, car tenant compte des réalités socio-politiques des Etats. En Afrique francophone, nous mettrons l’accent sur le cas de la Côte d’Ivoire et du Sénégal. Et par la suite, nous mettrons celles-ci en rapport avec les commissions des pays anglophones notamment le Ghana et le Nigéria. 

  • Cas de la Côte d’Ivoire : La Commission électorale Indépendante (CEI), prévue par la Constitution de 2000 (Art 32 al 4) et également repris par la Constitution de 2016 (Art 51 al 3) a été créée par la loi N°2001-634 du 09 octobre 2001 portant composition, organisation, attributions et fonctionnement de la CEI (loi modifiée à plusieurs reprises dont la récente est la loi n°2019-708 du 05 août 2019). La CEI, commission permanente, a été créée par voie législative.2 
  • Cas du Sénégal : La Commission Electorale Nationale Autonome (CENA) fut créée par la loi n° 2005-07 du 11 mai 2005 portant création de la CENA (loi modifiée par le décret n°2006-410 du 2 mai 2006 portant modification de l’article 9 du décret 2005-86 portant application de loi n°2005-07 du 11 mai 2005 relative à la CENA). La CENA a été institué, tout comme la CEI (en RCI), par voie législative. La CENA est une structure permanente (Art L4 de la loi n°2017-12 du 18 janvier portant Code électoral).3 
  • Cas du Nigéria : La Commission Electorale Nationale Indépendante (INEC) fut instituée en 1998 par la Constitution de 1999 (voir Sect.15, 1) et également mentionnée dans le Code électoral de 2010 (Sect.2). Elle est une commission permanente.4 
  • Cas du Ghana : La Commission Electorale du Ghana (ECG) fut instituée par la loi n°451-1993 du 06 juillet 1993 en lieu et place de la Commission Electorale Nationale Intérimaire (CENI). La ECG est une commission permanente.5 

1ère observation : Conditions pour être membres des Commissions 

  • Personnes neutres (n’appartenant à aucun parti politique), cas de la quasi-totalité les pays anglophones (Ghana, Nigéria) ; 
  • Ou l’option d’une représentation équilibrée des forces politiques prenant part à la compétition électorale, cas de la Guinée Bissau et de tous les pays francophones, à l’exception du Sénégal6.  

2ème observation : Durée de vie des Commissions 

  • Soit les Commissions ad hoc (Bénin, Niger, Mali) ; 
  • Soit les Commissions permanentes (dans tous les autres pays de la région) ;7 

Relativement à leur composition, les commissions électorales sont toujours problématiques. Aucune uniformisation n’est établie sur le sujet. D’un pays à l’autre, le nombre des membres qui en constituent l’organe de direction centrale varie et est adapté selon les besoins spécifiques de la réalité sociopolitique.  

Selon une étude comparative menée en 2011, les commissions électorales en Afrique ont une structuration obéissant à deux schémas différents : le schéma partisan qui opère selon des critères politiques et le schéma non partisan qui mise sur les compétences techniques tirées de la société civile (apolitisée). 8 Du schéma partisan, le plus répandu en Afrique francophone comme sus-évoqué, il est fait le constat que la représentativité des partis politiques, soit individuellement ou soit groupés en Mouvance Présidentielle et Opposition, constitue 2/3 des sièges des commissions ; ce qui réduit l’influence de la société civile, et accentue par conséquent la politisation de la structure. Ce modèle, basé sur la partisannerie, dont on tente de camoufler le risque de partialité par une représentation équilibrée des forces politiques en présence, est celui qui est le plus utilisé dans les pays francophones africains, y compris la RDC.9 

Par ailleurs, il convient de faire remarquer que l’approche pratique d’une « représentation équilibrée » n’est pas toujours synonyme d’une « proportionnalité représentative » des parties. Comme indiqué plus haut, les besoins spécifiques d’un environnement politique dans le contexte électoral imposent généralement aux parties le mode de répartition des sièges au sein des commissions électorales. Par exemple au Togo, subséquemment à l’Accord politique Global de 2006 (APG), l’opposition avait pu bénéficier de deux fois plus de membres que le pouvoir dans la commission électorale ; toutefois aujourd’hui, l’opposition et la majorité parlementaires ont chacun cinq (05) membres. Les partis politiques extra-parlementaires ont quant à eux trois (03) membres. Tandis qu’au Bénin, préférence a été donnée à la représentation proportionnelle entre les acteurs politiques (surtout parmi ceux représentés au Parlement). C’est le lieu de rappeler que les membres de la CENI10 togolaise sont, contrairement à ce qui a cours dans la plupart des autres pays de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), nommés par l’Assemblée nationale. On note également que, dans les cas du Bénin, du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire, de la Guinée Conakry, du Mali, du Niger… les Commissions s’ouvrent de manière explicite à la « société civile », et ne comptent donc pas que des membres « politiques ».11 

Toutefois, une interprétation casuistique du statut des membres et de la coloration desdites institutions conduit ipso facto à apprécier aisément leur caractère impartial ou non et capacité à se détacher de toute influence, renforçant ainsi la confiance des populations au scrutin. En Guinée où 83% des sièges de la CENI guinéenne sont occupées par les partis politiques, l’institution peine à inspirer confiance à la population (55% de personnes interviewées la désavouent)12. Ce qui tout naturellement porte à croire que dans la majorité des cas les commissions électorales nationales en Afrique francophone ont été relativement taillées sur mesure dans un calcul d’acquisition ou de conservation du pouvoir suprême. 

B. Attributions des commissions électorales en Afrique

Reconnues indispensables pour un bon ancrage démocratique des pays, ces structures installées sous des appellations diverses tant dans des pays anglophones que francophones du continent sont généralement chargées de l’organisation, de la gestion et de la supervision des élections. 

De façon générale, les débats sur les prérogatives des Commissions électorales s’articulent essentiellement autour de deux postulats : 

  • Celui de leur maîtrise du processus électoral, de leur emprise sur celui-ci ; 
  • Celui de l’efficacité de leurs pouvoirs, et plus précisément sur leur autonomie vis-à-vis des décideurs publics ;13 

Ainsi, nous distinguons les Commissions électorales à prérogatives moyennes (majorité des pays francophones), qui n’ont qu’une fonction limitée, pour l’essentiel à la supervision et au contrôle du processus électoral, des commissions à prérogatives étendues (majorité des pays anglophones), qui en plus du rôle de supervision et de contrôle du processus électoral, ont également une fonction d’organisation des élections. 

  • Cas de la CENA du Sénégal14 : Elle a des attributions certes importantes, mais n’est pas responsable de l’organisation des élections. Cette dernière incombe au ministère de l’Intérieur. C’est le ministère de l’Intérieur, qui en lieu et place de la Commission, détermine la date des élections, l’implantation des bureaux de vote, le choix des membres de ces bureaux et confectionne les bulletins de vote. La CENA a un rôle très limité (la proclamation des résultats de l’élection échappe à la CENA). 
  • Cas de la CEI en Côte d’Ivoire15 : La CEI, même si elle a des prérogatives plus importantes (par rapport à la CENA) englobant la quasi-totalité du cycle électoral (la constitution, la gestion et la conservation du fichier électoral national et l’organisation et la supervision des opérations électorales et référendaires), connaît des limites. Elle n’est compétente que pour proclamer les résultats définitifs de toutes les élections, à l’exception des élections présidentielles et référendaires, compétence dévolue exclusivement au Conseil constitutionnel. Elle n’a aucun pouvoir de sanction, compétence relevant du ressort du Conseil constitutionnel et des autorités judiciaires. Son rôle ici, est de recevoir les contestations électorales afin de les transmettre aux autorités compétentes. Autre fait important, la CEI n’est pas habilitée à intervenir dans la vie des partis politiques (mission strictement électorale). C’est au ministère de l’Intérieur qu’est dévolu cette compétence.  

3ème Observation : Eu égard aux faits exposés sus, il est évident que l’indépendance des Commissions électorales francophones est quasi-inexistante. Elles apparaissent plutôt comme des institutions “sous tutelle” des autorités politiques, ce qui fait planer le doute sur leur crédibilité. Qu’en est-il des Commissions électorales des pays anglophones ? 

Cas de l’INEC du Nigéria16 : l’INEC, en plus des prérogatives traditionnelles existantes dans les pays francophones, a des missions très importantes notamment : 

  • Elle promeut l’éducation civique et électorale de la population ; 
  • Elle avalise tout document relatif aux élections avant qu’il soit valable (et donc aucune opération juridique majeure liée aux élections ne peut être faite sans qu’elle l’ait autorisé) ; 
  • Elle fixe elle-même la date des élections, et peut aller jusqu’à la reporter à une date ultérieure en cas de risque de rupture de la paix civile ou de la tranquillité publique (un pouvoir remarquable qui mérite d’être souligné dans un contexte africain où le report des élections nourrit souvent, à tort ou à raison, des tensions entre acteurs politiques) ; 
  • Elle proclame les résultats de toutes les élections publiques et référendums, sans obligation de faire systématiquement un rapport après une élection (chose différente dans les pays francophones, rapport systématique au Président de la République) ; 
  • Elle a un droit de « surveillance » sur l’action des partis politiques (droit de contrôle sur leurs activités, leur conformité avec les normes constitutionnelles, la régularité de leurs comptes), droit qui est le fait du Ministre de l’Intérieur. 

Cas de la CEG17 : La CEG est l’un des organes de surveillance les mieux pourvus, en termes de prérogatives et de maîtrise sur le processus électoral (révision annuelle des listes électorales et refonte totale des listes électorales tous les dix ans.  (CEG, voir supra les prérogatives “spéciales” de la Commission électorale du Nigéria). 

II. La prévalence actuelle d’un alignement institutionnel

Le libéralisme politique qui a été véritablement théorisé à partir du XVIIème siècle avec John Locke, puis Montesquieu, a été la sève nourricière, de la séparation des pouvoirs, qui est aujourd’hui considérée, comme la principale caractéristique du constitutionnalisme ambiant. Toutefois, s’il est vrai que la plupart des systèmes politiques africains ont adhéré à cette idéologie, force est de constater que l’hypertrophie du pouvoir exécutif, incarné par le Président de la République, ainsi qu’une lecture réaliste du pouvoir d’État, a laissé germé une confusion relative des pouvoirs, qui n’est pas sans influence, sur le régime politique et plus spécifiquement sur le fonctionnement des commissions électorales et des conseils constitutionnels. Ceux-ci se trouvent en fait, alignés, sur l’exécutif, qui s’en assure une maitrise stratégique, pour les réduire in fine à des rapports dénaturés, de connivence. 

A. Au regard d’une confusion relative des pouvoirs au profit de l’exécutif

La confusion des pouvoirs, est l’antonyme de la séparation des pouvoirs ; elle suppose une concentration des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, entre les mains d’un seul organe. Lorsque cette confusion, est expresse et reconnue, l’on parle de confusion absolue des pouvoirs ; cependant lorsque la confusion des pouvoirs est constatée en pratique, alors que la séparation des pouvoirs est constitutionnellement établie, l’on parle d’une confusion relative des pouvoirs. En Côte d’Ivoire, comme dans la plupart des pays africains, le principe des législations nationales consacre bel et bien le régime de la séparation des pouvoirs ; mais, ce n’est que dans le principe car les faits sur le terrain présentent une tout autre réalité et rendent difficile l’application des règles dans le respect strict de l’esprit des législations en vigueur.   

En effet, il est donné de voir que des institutions clés de la République et des représentations nationales, comme le Conseil constitutionnel ou autre organe juridictionnel et la Commission électorale indépendante (CEI), peinent à se défaire dans l’exercice de leurs charges du pouvoir dit absolu de l’exécutif, clef de voûte des régimes présidentialistes africains. Cet état de fait est le corollaire d’un fonctionnement partitocrate s’appuyant sur un modus operandi biaisé par des pesanteurs socioculturelles et une mauvaise culture démocratique. Ces derniers se traduisent par le culte de la personne, l’idolâtrie au parti politique, la reconnaissance absolue « à son bienfaiteur », le tribalisme, le manque d’attachement à l’intérêt supérieur de la nation et de la République, etc. C’est également le même sentiment partagé par certains enquêtés qui déclarent : « Tous les problèmes électoraux en Côte d’Ivoire sont liés au mode désignation des membres de la CEI. On a une CEI où plus de la moitié des membres ont un lien avec l’exécutif. Comment faire confiance à une telle structure ?»18 

A cet égard, il convient de préciser que les conflits qu’engendre le déroulement des élections en Afrique ont été symptomatiques d’une crise de confiance envers et entre les acteurs politiques. C’est pourquoi, l’organisation des élections a été confiée à des institutions qui devraient justement restaurer le lien de confiance entre les principaux protagonistes, afin de maintenir ou rétablir la stabilité politique, à l’issue des échéances électorales. La création des commissions électorales et des cours ou conseils constitutionnels obéit justement à cette perspective. Pour ce faire, selon la Charte africaine de la Démocratie, des Élections et de la Gouvernance et le Protocole de la CEDEAO sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance, les principales caractéristiques statutaires de ces institutions devraient être l’indépendance et l’impartialité. Ainsi, la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, dans l’affaire APDH contre État de Côte d’Ivoire, estime que l’indépendance devrait s’entendre comme « le fait pour une personne ou une entité de ne dépendre d’aucune autre autorité que la sienne propre ou, à tout le moins, de ne pas dépendre de l’Etat sur le territoire duquel elles exercent leurs fonctions ». En sus, elle considère que, « un organe électoral est indépendant quand il jouit d’une autonomie administrative et financière et qu’il offre des garanties suffisantes quant à l’indépendance et l’impartialité de ses membres. » A cet effet, elle définit l’impartialité comme l’absence de parti pris, de préjugé et de conflits d’intérêt. 

Or, sous l’angle de la confusion relative des pouvoirs tantôt évoquée qui est une forme de caporalisation des institutions, il s’agit d’une remise en question de l’impartialité des membres composant les organes électoraux, laquelle est consubstantielle à leur indépendance. Cette mainmise sur la gestion des élections, se matérialise dans la plupart des cas, par une surreprésentation de l’exécutif au sein des commissions électorales, et par la désignation politique, éminemment compromettante, des membres composant l’organe juridictionnel dont le loyalisme envers l’exécutif peut défier les pesanteurs juridiques. Ainsi dans l’affaire susmentionnée, la Cour a condamné la Commission électorale indépendante ivoirienne, à cause du fait que la majorité des membres qui composent l’organe électoral, sont désignés par des personnalités et partis politiques participant aux élections ; et qu’un tel organe ne peut rassurer le public sur sa capacité à organiser des élections transparentes, libres et justes. Le problème fondamental, est donc celui de la suspicion légitime, à l’égard des organes électoraux, qui sont du fait de leur alignement sur l’exécutif, à la fois juges et parties, alors qu’ils ne devraient qu’être juges ; l’office du juge étant celui de la décision objective, indépendante et impartiale.  

A cela s’ajoute le manque d’autonomie financière des organes dans la pratique parce qu’ayant un budget lié, par une sorte de cordon ombilical, à l’exécutif qui en demeure la source principale d’approvisionnement et maitre de la commande.  C’est ce que dénonce l’ensemble des personnes enquêtées en Côte d’Ivoire qui y voient une volonté de l’exécutif de tenir en laisse la CEI en ayant une mainmise sur le budget de l’institution.19 

Par ailleurs, à côté de l’alignement sur l’exécutif, la suspicion de fraude portée à tort ou à raison sur les organes électoraux se rapportent parfois à l’incapacité technique de ceux-ci à fournir les résultats des élections dans un court délai ; de quoi alimenter la rumeur et nourrir la psychose. En effet, ces dernières décennies, la plupart des pays africains ont adopté l’usage des tablettes biométriques dans le déroulement des processus électoraux souhaitant ainsi renforcer la crédibilité des scrutins par la transparence et la rapidité du processus que garantirait cette nouvelle technologie électorale comme dans les pays industrialisés. Sauf que la mise en place desdites technologies (enregistrement et vérification biométriques, vote électronique – encore rare –, transmission en direct des résultats)20, censée apporter davantage de transparence à des processus électoraux souvent contestés, est dans bien des cas objet de deux limites majeures en l’occurrence la défaillance technique et l’insuffisance du niveau de maitrise d’utilisation de ces tablettes. 

Selon Sindou Bamba, la défaillance des tablettes doit s’entendre de leur autonomie limitée, des défaillances liées à leur utilisation sur le terrain et leur utilisation préconisée. Elles peuvent également s’éteindre ou cesser de fonctionner de façon imprévue. Aussi, leur utilisation devient difficile voire impossible dans les zones non couvertes par les réseaux téléphoniques et non couvertes par internet. Concernant l’insuffisance de son niveau de maitrise d’utilisation, il est dû au caractère novateur de cette technologie dans le processus électoral. Ce qui entraine chez les agents électoraux un problème de maitrise de cet outil. Ce fut le cas lors de l’élection présidentielle de 2015 en notre pays.21 

Aussi convient-il de relever que ce parrainage collectif et institutionnalisé de l’exécutif, ne peut qu’entrainer un rapport de connivence entre les commissions électorales et les conseils constitutionnels, pouvant gravement saper leur crédibilité à l’égard du corps électoral. 

B. Au regard de la subséquente connivence des commissions électorales et des cours ou conseils constitutionnels

La relation de connivence institutionnelle entre les commissions électorales et les conseils constitutionnels est une forme pervertie de collaboration. Du fait de l’alignement sur l’exécutif, cela peut être interprété à tort ou à raison comme une complicité s’inscrivant dans un vaste complot ourdi, par la majorité présidentielle. Pourtant, les textes, tels que rédigés, ne devraient en rien aboutir à une telle forfaiture dans la mesure où les missions de ces institutions sont clairement définies ; les unes s’occupant du volet administratif des élections et les autres étant en charge du contentieux électoral afin de garantir la paix par le Droit. Cependant, le mélange de genre qu’entraine ce rapprochement contre nature, du fait de ce trait d’union qu’est l’exécutif, a fini par vider ces institutions de leur contenu dans certains pays. Nous pourrions parler à titre illustratif du Gabon, où la Cour constitutionnelle est ironiquement surnommée la tour de pise ; en ce sens qu’elle penche toujours en faveur du pouvoir exécutif. Dans cette même veine, nous pourrions évoquer le doigt d’honneur que l’opposition sénégalaise a exhibé à l’égard du Conseil constitutionnel en estimant, à l’issue du dernier scrutin, qu’une saisine de ladite juridiction aux fins de contestation serait superfétatoire. Aussi sommes-nous contemporains des initiatives citoyennes récurrentes visant à surveiller le transport des urnes et les opérations de dépouillement des bulletins de vote à cause de la méfiance manifestée à l’égard des agents des commissions électorales. Dans des pays à forte rivalité politique, un tel dévoiement des organes électoraux pourrait inéluctablement déboucher sur une crise électorale ou post-électorale d’une grave intensité. 

Dans l’affaire APDH contre État de Côte d’Ivoire, la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples a condamné la partie défenderesse, en constatant qu’elle avait violé son obligation de protéger le droit à l’égalité devant la loi et à la protection égale par la loi ; pour ce faire, elle a excipé d’un considérant ne souffrant d’aucune forme d’ambiguïté. En effet, elle a estimé qu’au regard de la composition déséquilibrée de l’organe électoral ivoirien, « il est donc clair que dans le cas où le président de la république ou un autre candidat appartenant à sa famille politique se porterait candidat à une élection quelconque, soit présidentielle ou législative, la loi contestée le mettrait dans une situation plus avantageuse par rapport aux autres candidats. La cour considère donc qu’en ne plaçant pas tous les candidats potentiels sur un même pied d’égalité, la loi contestée viole le droit à une égale protection de la loi, consacré par les différents instruments internationaux des droits de l’homme (…), particulièrement l’article 10 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et l’article 3 de la Charte des droits de l’homme ».22 

Ce constat est un corollaire de la connivence entre les organes électoraux, qui œuvrent de concert pour le triomphe d’une personnalité ou d’un parti, généralement la majorité présidentielle. Toutefois s’il est vrai que cette modalité relationnelle est le principe dans la plupart des systèmes politiques africains, il faut noter le cas exceptionnel des élections présidentielles qui se sont déroulées en 2010 en Côte d’Ivoire. En effet, pour la première fois nous avons assisté à un véritable rapport antagonique entre la commission électorale indépendante (CEI), présidé par M. Youssouf Bakayoko, issu de l’opposition de l’époque, et le Conseil constitutionnel, présidé quant à lui par le Prof. Paul Yao N’Dré, proche de la majorité présidentielle. La divergence manifeste des intérêts en présence a occasionné un trouble institutionnel, déclencheur d’une grave crise post-électorale. Tout commence lorsque les résultats provisoires publiés par la CEI, donnant l’opposition vainqueure, ont été entièrement invalidés par le Conseil constitutionnel qui avait, de son côté, attribué la victoire à la Majorité présidentielle après avoir vidé le contentieux électoral dans des conditions inédites. Ce cas démontre éloquemment que la dénonciation de la connivence n’implique en rien en l’état un choix en faveur de l’antagonisme entre les commissions électorales et les Cours ou Conseils constitutionnels. Dans les deux cas de figure, les conséquences pourraient être dramatiques dans la mesure où la dynamique politicienne qui les sous-tend est vicieuse et manifestement passionnée. 

La véritable difficulté, à notre sens, est de garantir la républicanité des organes électoraux, qui à ce titre doivent travailler pour tous, sans œuvrer pour une personne ou une entité en particulier. Il s’agit en réalité de les immuniser face aux assauts politiciens de tout bord qui pourraient nuire à leurs missions rendues indispensables par le grand intérêt que suscitent les élections en Afrique. Cela ne peut prendre forme que dans un cadre assurant un équilibre institutionnel entre les commissions électorales et les cours ou conseils constitutionnels. 

III. La nécessité d’un véritable équilibre institutionnel 

L’équilibre dont il s’agit ici vise à permettre aux commissions électorales et aux cours ou conseils constitutionnels d’assumer pleinement leur fonction. Sur les modalités de cet équilibre, les développements précédents nous ont permis de comprendre que ni la connivence ni l’antagonisme dus à l’alignement institutionnel ne peuvent être raisonnablement envisagés. Nous ne pouvons préconisés également des rapports juxtaposés qui ne colleraient vraiment ni à la lettre ni à l’esprit des textes instituant lesdites commissions et conseils ; car seule la bonne coordination entre ces organes peut être de nature à assurer des élections justes, libres, transparentes. Que reste-t-il donc ? La complémentarité ? Pour dire vrai, cela peut s’avérer être une véritable synthèse mais celle-ci ne peut prendre forme que dans la stricte intériorisation des particularités statutaires ; ce qui n’exclut en rien un fonctionnement inclusif des deux institutions. 

A. Par la rigidité statutaire des commissions électorales et des conseils constitutionnels

Les dispositions normatives devant garantir l’autonomie et la neutralité stricte de ces deux institutions lors des processus électoraux portent en elles-mêmes les germes de la contradiction sans compter les rapports de force politique auxquelles elles sont confrontées. 

En effet, il ne suffit pas de préciser dans certains articles des dispositions statutaires que les commissions électorales et les cours ou conseils constitutionnels sont indépendants et impartiaux pour que cela soit. En l’occurrence, les procédures et mécanismes de désignation prévus par ces règles peuvent-ils ou non garantir cet état de fait ? Toutes les dispositions doivent être prises de manière complémentaire si non les unes prélaveront sur les autres en fonction des intérêts et moyens de pression politique des uns et des autres, encore plus dans un environnement social où le devoir de l’ingratitude23 n’est pas le fort de la pratique républicaine. 

La préconisation de cette rigidité statutaire ne saurait être appréhendée uniquement comme une occasion pour rappeler les règles juridiques qui régissent le fonctionnement et l’organisation des commissions électorales et des cours ou conseils constitutionnels. Ces règles elles-mêmes, en certains points, posent de véritables difficultés quant à leur application. Il s’agit plutôt d’une démarche de clarification à l’égard de la société politique, plus particulièrement, qui dicte généralement la coloration que doit prendre ces institutions. Dans cette perspective, il convient de relever d’entrée de jeu que les deux organes répondent à des dynamiques clairement définies tant d’un point de vue organique que d’un point de vue fonctionnel. 

Premièrement, sous l’angle organique, les commissions électorales sont des organes administratifs indépendants. La mention de l’épithète « indépendant » n’est pas fortuite, car elle vise à vaincre toutes formes de subordination préjudiciable que pourrait induire son caractère administratif. En effet, la fonction administrative est l’une des sous fonctions du pouvoir exécutif à côté de la fonction gouvernementale. Ainsi, l’indépendance est une manière de préserver cette institution des velléités de domestication qu’entrainerait la mise en œuvre d’un contrôle hiérarchique inhérent à l’organisation administrative. De plus, ce caractère indépendant à l’égard des autres pouvoirs publics est un corollaire du principe séparation des pouvoirs. Dans cette dynamique, Les sujétions actuelles qui parasitent le fonctionnement des commissions électorales indépendantes sont liées à une intrusion du politique qui prend le soin d’en faire sa chasse gardée. Or, ces commissions ne peuvent véritablement organisés de manière crédible des élections à forts enjeux politiques qu’en étant elles-mêmes apolitiques. Il faudrait ainsi penser à une composition ne laissant pas s’enraciner une présomption de partialité qui jetterait un doute au caractère indépendant des institutions. C’est ce que la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples suggère lorsqu’elle estime que la désignation par des personnalités et les partis politiques, des membres composant les organes électoraux, ne sont pas de nature à garantir des élections libres et transparentes. Cette position est d’ailleurs compatible avec le principe de neutralité politique qui doit caractériser toute autorité administrative. 

Dans la même veine, les cours ou conseils constitutionnels sont, quant à eux, des juridictions. A cet égard, parler d’indépendance et d’impartialité devrait être un truisme, car ces caractéristiques sont consubstantielles à leur nature juridictionnelle. Ainsi, la Cour Européenne des Droits de l’Homme avait estimé que « pour maintenir l’indépendance et l’impartialité d’un tribunal, les apparences peuvent revêtir de l’importance ». Ces apparences prennent aussi leur importance dans les modalités de désignation des juges ou des membres en vue de garantir une distanciation suffisante face au politique principalement, au nom des nécessités qu’impose l’office du juge et surtout au regard du principe de séparation des pouvoirs.  

A ce niveau, il convient de relever que, selon les régimes constitutionnels, il pourrait exister quand même une nuance sémantique entre Cour constitutionnel et Conseil constitutionnel. En Côte d’Ivoire, par exemple, jusqu’à la Constitution du 1er Août 2000, le terme « Cour constitutionnel » était utilisé pour désigner une chambre de la Cour suprême qui, à ce titre, était clairement incorporée à l’autorité judiciaire. A partir de 2000, un Conseil constitutionnel voit le jour ; la dénomination a tout son sens, car étant muée en conseil, l’ancienne chambre constitutionnelle devient une entité distincte de la Cour suprême demeurant toujours une composante du pouvoir judiciaire. Toutefois la Constitution du 8 novembre 2016, en maintenant le terme « Conseil constitutionnel », vient en faire une institution n’appartenant plus au pouvoir judiciaire ; celui-ci étant désormais uniquement représenté par la Cour suprême et la Cour des comptes. Cette nature sui generis du Conseil constitutionnel qui en résulte pose un problème en ce sens qu’il ne peut plus être inséré clairement dans un pouvoir public pour faire jouer efficacement la théorie de la séparation des pouvoirs. Mais sa composition et le mode de désignation de ses membres laissent entrevoir une forte influence de l’exécutif ; ce qui peut être incompatible avec le pouvoir de juris dictio qui est reconnu au conseil constitutionnel, en tant juge du contentieux électoral à côté de sa fonction classique de garant juridictionnel du bloc de constitutionnalité qui consacre les principes de la Charte Africaine de la Démocratie, des Elections et de la Gouvernance parmi lesquels est mentionné en lettres d’or le droit à des élections libres, justes et transparentes. 

Deuxièmement, sous l’angle fonctionnel, les commissions électorales sont généralement chargées de l’organisation impartiale et indépendante des élections. A ce titre, elles reçoivent les candidatures, les examinent et les approuvent en conformité avec les dispositions en vigueur. En outre, elles organisent le vote, fournissent le matériel électoral, procèdent à la collecte des procès-verbaux et proclament, dans la plupart des cas, les résultats provisoires qui sont purement tendanciels, en attendant que le contentieux soit vidé au niveau juridictionnel. Sur ce point, les Cours ou Conseils constitutionnels assurent le contrôle des opérations menées en amont ; il s’agit d’un contrôle à posteriori effectué sur saisine des parties aux élections en vue de la proclamation définitive des résultats, scellant ainsi le sort des candidats. Ce sont deux institutions que l’on ne saurait confondre par quelques procédés que ce soit. Ainsi, nous pensons qu’un mécanisme régional devrait être mis en place pour garantir efficacement et robustement le bon fonctionnement de ces institutions ; car en tant qu’organes électoraux, ils participent à la promotion des valeurs et principes universels de la démocratie, prévue par la Charte Africaine de la Démocratie qui, selon la Commission de l’Union Africaine, peut être considérée comme « un instrument pertinent relatif au droit de l’homme »24 (La simple violation des droits de l’homme, pouvant justifier diverses opérations juridiques, visant à rétablir la normalité).  

Au vu de ce qui précède, la mission d’exécution reconnue aux commissions électorales et la mission de contrôle des cours ou conseils constitutionnels, étant clarifiées, ne s’excluent pas pourtant. Elles doivent par la force des choses collaborer ; cela, par l’instauration d’une souplesse fonctionnelle. 

La souplesse fonctionnelle dans les rapports entre les commissions électorales et les conseils constitutionnels vient prendre le contre-pied de la connivence que nous avons dépeinte plus haut. Elle ne prend son sens que dans la prise de conscience des particularités statutaires ci-dessus évoquées et la finalité commune qui est de parvenir à des élections apaisées, purgés de toute forme de violence électorale. Si la finalité de la connivence est le triomphe d’un candidat en particulier, celle de la souplesse fonctionnelle est républicaine. Elle vise à faciliter le déroulement des opérations électorales jusqu’à la proclamation définitive des résultats. Si le politique ne s’immisce pas dans lesdites opérations, cette collaboration devrait aller de soi, par le respect des délais, des formes et procédures qu’impose la loi. En outre, guidés par le même objectif républicain, les organes électoraux devraient se communiquer toutes les informations en temps utiles pour rendre les décisions au moment indiqué. 

B. Par la souplesse fonctionnelle des commissions électorales et des conseils constitutionnels

La commission électorale et le conseil constitutionnel sont des organes ayant le même objectif qui est la préservation de la démocratie et de l’État de droit. De ce fait, ces institutions républicaines doivent être entièrement apolitiques ou non partisanes de sorte à protéger les intérêts des populations. De plus, chacune à son niveau devrait être en mesure de jouer son rôle durant toute la tenue des élections. Toutefois, ce n’est qu’en travaillant en synergie, sans interférence hasardeuse de l’une sur l’autre, qu’elles réussiront à crédibiliser les processus électoraux. 

A ce propos, nous ne saurions restés sans nous ressasser les tensions particulières qui ont prévalu en Côte d’Ivoire entre la Commission électorale indépendante et le Conseil constitutionnel. Ces organes ont fait montre d’une carence dans leur collaboration qui n’a pas été efficacement rendue possible pour des raisons évoquées plus tôt. Ainsi, nous nous rappelons la manière péremptoire avec laquelle ont été accueillis les résultats provisoires proclamés par la CEI au grand dam du Conseil constitutionnel dont le démenti apporté aux dits résultats a suffi pour enfler la suspicion sur l’ensemble du scrutin déjà manifeste. 

En définitive, les commissions électorales et les cours ou conseils constitutionnels ne peuvent contribuer à éradiquer la prévalence actuelle des élections belligènes souvent meurtrières, que par l’instauration d’un équilibre institutionnel, profondément apolitique et républicain, n’impliquant ni connivence, ni antagonisme, ni juxtaposition, mais une satisfaisante synergie, pour des élections libres, justes, transparentes et surtout apaisées.

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L’idée qui sous-tend solution think tank est de donner aux excellents think tanks francophones une voix plus forte au-delà des frontières nationales et des barrières linguistiques. L’Afrique de l’Ouest, en particulier, manque de plates-formes de coopération dans le domaine de la recherche orientée vers des solutions. Nous sommes fermement convaincus que l’expertise des think tanks ouest-africains doit et peut contribuer à un discours plus global et orienté vers des solutions sur les défis nationaux, régionaux et mondiaux dans les domaines politiques, sociaux, économiques et du développement.

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